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un roman de P. Galeron
Il fut dit que j’avais un don. Un don extraordinaire, un don de Dieu. Ainsi, l’oblat de la mer n’était pas venu les mains vides. J’avais apporté ma voix comme d’autres leur part d’héritage et, à chaque office, je chantais, pour la gloire de Dieu et l’exaltation des hommes. À mon baptême, je reçus le nom de Serin, tant l’analogie avec ce petit oiseau chanteur apparut comme une évidence.
Chant grégorien, Bibliothèque Sainte-Geneviève, Paris
Là, il déverrouilla ses armoires de chêne, en sortit plusieurs de ses codex enchaînés.
Ouvertes, feuilletées, étalées, leurs pages de peaux mortes m’exhibèrent des représentations de femmes oiseaux, femmes poissons, la bouche ouverte, souriante, pleine de mots et de chants envoûtants, le corps ouvert, exposé, tentateur voire lubrique, les cuisses ouvertes, la fente ouverte, offerte.
Sirène, Bibliothèque Sainte-Geneviève, Paris
La dernière fois, les caravaniers se désespéraient de le perdre derrière eux dans les vents de sable… égarer un pèlerin de son rang en plein sahrā’, c’est du plus mauvais effet. Finalement, quand il a été bien cuit, ils en ont profité pour le hisser sur un jamal et nous ont expédiés en tête de caravane. Mais après Al-Qāhira, il avait déjà repris du poil de la bête et ce fou a recommencé !
Léon Belly, Pèlerins allant à La Mecque
Depuis quelques jours, il est pris d’une sorte de rage et s’en va à la chasse avec Mabrūk, ses trois amis… mais sans son chien. « La chasse, disent-ils, c’est, avec le jeu d’ash-shāh, ce qui prépare le mieux à la guerre ». Tout est dans la ruse : surprendre l’ennemi, la proie, l’isoler, la prendre à revers, ou quand elle s’y en attend le moins.
Eugène Fromentin, La chasse au héron
Là-haut, quelque chose retient Kabīr, un souvenir, un souvenir heureux, de ceux qui font sourire quand on se les rappelle. Pour mieux le savourer, il s’y arrête, se détourne de la capitale, son but pourtant, et contemple le fleuve en contrebas. Et pour plus d’intimité, nous congédie, envoie notre petite troupe en avant. Il nous rattrapera sans mal, et les autres s’exécutent, tout réjouis de prendre enfin une allure acceptable.
Francisco Pradilla y Ortiz, Le soupir du Maure
Lui, ne bouge plus, ne dit rien. J’entends seulement sa respiration, son cœur un peu vifs. Et sens son regard sur moi : de doux picotements qui me traversent l’échine, de mes épaules aux creux de ma taille, à mes hanches saillantes… et s’égarent sur mes cuisses, mes fesses nues tournées vers lui, exposées à sa vue. Indécentes !
Auguste Rodin, La Danaïde
Des prêches incendiaires ont alors enflammé les mosquées de la capitale. À l’extrême, les mahométans nous considèrent déjà, nous, chrétiens, comme des polythéistes, fétichistes et idolâtres, réprouvant la Sainte Trinité et Tes représentations. Mais leurs exordes qui dénonçaient ces barbares fanatiques et parjures, incapables de respecter la trêve ont fini en péroraisons nous stigmatisant comme adorateurs du démon ! De quoi menacer le fragile équilibre d’une communauté si riche de ses différences.
Edwin Lord Weeks, Intérieur de la Mosquée de Cordoue